1. Introduction
Cette présentation est basée sur les travaux de Francis
Hallé, botaniste spécialiste des arbres de la bande équatoriale né en 1938.
Elle se veut une introduction à l’architecture des arbres.
Francis Hallé propose une définition pour distinguer l’arbre
des autres végétaux : « Si une automobile entre en collision avec un
végétal et que l'automobile est cassée, alors il s'agit d’un arbre. »
S’il propose cette définition non sans humour, c’est que ce
que l’on entend par « arbre » peut décrire des réalités très
différentes et qu’il n’est pas si facile de le définir : en effet il
existe des végétaux très grands (types lianes par exemple) ou encore ligneux
qui ne sont pas des arbres.
Il met en lumière que chaque espèce d’arbre a un programme
de croissance et de développement qui lui est propre.
Ce programme est donc héritable génétiquement et l’architecture
en est la partie visible.
Nous commencerons
donc par la méthode par le dessin pour saisir la structure de l’arbre.
Ensuite, nous verrons
les différents modes de croissance, unitaire et coloniaire, ce dernier se distinguant
par l’apparition du phénomène de réitération dotant l’arbre d’une souplesse
structurale plus vaste.
Après, nous verrons vingt-quatre modèles de croissance, et
les trois principaux paramètres qui permettent de les différencier. Ce sont des
« Données des bases simples, fixes
dans chaque espèce et à déterminisme génétique puisqu’elles sont héritables. »
Enfin, nous étudierons en particulier trois modèles qui sont
ceux les plus répandus en milieu tempéré.
2. Méthode par le dessin
2.1. Prendre le temps
Le dessin a cette vertu de permettre de rentrer dans la durée
de la plante, ce qui ne peut être saisi par un instantané photographique.
2.2. Prendre la bonne distance pour avoir une vue globale
Prendre suffisamment de recul pour avoir une vision globale
de l’arbre, de tout le houppier et trouver un bon angle pour cerner des détails
intéressants, comme la disposition des branches.
2.3. Commencer à dessiner par le sommet
Francis Hallé conseille de toujours dessiner par le sommet
pour mieux dessiner la structure de l’arbre.
2.4. On ne voit que la partie émergée de l’iceberg
Les racines sont à prendre en compte, même si elles ne sont pas
visibles pour le dessin. Elles peuvent constituer d’un tiers à plus de la
moitié de la biomasse de la plante.
3. Deux modèles de croissance différents : l’émergence du phénomène de réitération
3.1. Au début étaient les arbres unitaires
Tout comme les fougères arborescentes, les premiers gymnospermes
apparus sur Terre ont adopté un modèle de croissance unitaire.
Ce mode de croissance signifie que l’arbre est constitué
d’une seule unité architecturale, qui grandit pendant toute la durée de sa vie,
tout en restant unique.
Particularités :
• Même
génome dans tout l’arbre
• Croissance
homothétique : l’arbre grandit en respectant un modèle architectural
précis, qu’il ne peut modifier pour s’adapter aux aléas de son environnement.
3.2. L’émergence de la réitération et l’apparition des arbres coloniaires
3.2.1. L’émergence de la réitération
À partir des gymnospermes les plus jeunes (Pinus spp., etc.) et des angiospermes,
les arbres optent pour un mode ce croissance plus souple, qui leur permettra de
mieux s’adapter aux influences de leur environnement : c’est le mode
coloniaire.
L’arbre, partant d’une structure unitaire, va créer sur
lui-même d’autres structures lui permettant de se développer davantage dans
l’espace, donnant ainsi un avantage compétitif pour la course vers la lumière.
Francis Hallé nomme ce phénomène la réitération et la
définit ainsi : « mécanisme par lequel l’arbre crée ses structures, des
unités architecturales, qu’il répète à l’envi et additionne aux unités
antérieures ».
On peut observer deux types de réitérations :
• Partielle,
constituée d’un axe d’exploitation, donc avec des feuilles pour faire de la photosynthèse
et éventuellement des fleurs pour la reproduction
• Complète,
constituée d’abord d’un axe d’exploration c'est-à-dire un petit tronc
duquel partent des axes d’exploitation (les fleurs apparaissent donc plus tard dans ce type de structure que le précédent) : On parle de aussi de
rejet.
Les réitérations complètes sont aussi dotés de racines qui courent
sous l’écorce dans le cambium pour puiser l’apport en sève brute (eau les sels
minéraux) quelles ne peuvent trouver autrement, n’étant pas connectées au sol
directement.
L’ensemble de ces réitérations se
soudent pour former un manchon qui constitue le cerne annuel des arbres
coloniaires.
3.2.2. Arbres coloniaires
Les arbres qui ont des réitérations sont donc constitués d’arbres
qui poussent sur des arbres : c’est pourquoi ont parle d’arbre coloniaire.
On a un arbre mère sorti de la graine et à partir de
celui-ci se développent des réitérations qui ont certaines
particularités :
• L’arbre
coloniaire contient différents génomes sur les bourgeons à la manière d’un
récif de corail (au sein de la même espèce)
• Les
réitération suivent une croissance fractale fragmentée, c'est-à-dire qu’au fur
et à mesure que l’arbre grandit, le nombre d’unités architecturales augmentent
mais leur taille diminue.
en
haut, le modèle de croissance des arbres unitaire, en bas celui des coloniaires.
3.3. Avantage coloniaires sur unitaires
Les réitérations offrent une structure plus souple aux
arbres coloniaires conférant beaucoup d’avantages :
• L’
adaptabilité de la structure permet
d’être plus performant pour la compétition vers la lumière (pour capter la
lumière rendue par un chablis notamment)
à gauche, un arbre unitaire, à
droite, un arbre coloniaire.
• La
variabilité du génome dote l’arbre dans son ensemble d’un spectre adaptatif
plus grand ce qui le rend plus résilient face aux agressions extérieures.
Et pourtant…
une réitération peut à certains égards se comporter en hémiparasite !
Tant que ses racines n’ont pas regagné le sol, elles puisent
leur eau et leurs sels minéraux dans le cambium de l’arbre-mère.
N’appelle-t-on pas d’ailleurs un rejet en langage populaire
un gourmand, sucker en anglais, succhione en italien, chupón en espagnol ou encore Wasserschosse en allemand ?
En fait la relation est à bénéfice
réciproque : l’arbre-mère donner de la sève brute mais profite que ses
réitérations sont captables de mieux s’adapter pour capter la lumière donc
fournissent en retour de la sève élaborée issue de la photosynthèse.
De plus, lorsque racines des
réitérations seront connectées au sol, elles ne puiseront plus sur l’arbre-mère
la sève brute.
4. Trois paramètres pour une combinatoire de vingt-quatre modèles architecturaux
Trois paramètres
simples permettent de décrire les vingt-quatre modèles architecturaux connus à
ce jour pour les arbres dans le monde.
4.1. Trois paramètres
4.1.1. Ramification
La ramification décrit la répartition des branches.
Elle peut être :
• Continue
(plutôt en milieu tropical, on peut citer la famille des Cupressaceae en milieu tempéré avec les cyprès et les genévriers)
• Rythmique :
liée aux saisons en milieu tempéré (un étage rythmique correspond à une année), à d’autres rythmes en milieu équatorial
(absence de saison marquant un arrêt de végétation).
4.1.2. Orientation
L’orientation des branches peut être :
• Axe
horizontal (disposition des feuilles distique :
sur le même plan)
• Axe
vertical (disposition des feuilles spiralée).
Attention à l’effet de la gravité, des branches
d’orientation initialement verticale peuvent avoir l’air horizontales : on
observe bien l’orientation sur les jeunes pousses. On peut l’observer sur un
Pin par exemple dont l’axe des branches est horizontal, mais lesjeunes pousses
bien redressées
4.1.3. Sexualité
La position des fleurs peut être:
• Terminale, l’inflorescence est alors en cyme définie
• Latérale,
l’inflorescence est alors grappe, donc indéfinie
4.2. Vingt-quatre modèles
Voici vingt-deux des vingt-quatre modèles architecturaux
décrits à ce jour.
Il n’y a pas de corrélation entre structure et systématique :
des familles éloignées peuvent suivre le même modèle, par exemple platanes et
sapins ont le modèle de Massart que nous verrons plus loin.
A l’inverse, Gingko biloba femelle et mâle ne suivent
pas le même modèle, l’orientation des branches étant différente (horizontale
pour les femelles et verticales pour les mâles).
De manière pratique, la
connaissance des modèles permet de mieux l’intégrer dans des systèmes
agroforestiers ou urbains : comprendre l’architecture des arbres permet
des tailles et élagages moins traumatisants pour l’arbre (ou même savoir quel
arbre choisir pour en faire une trogne), de plus les réitérations peuvent
fournir un excellent matériel de greffage.
5. Les principaux modèles en milieu tempéré
5.1. Massart
• Ramification
rythmique
• Orientation
horizontale
• Sexualité
latérale ou terminale.
Abies spp., Platanus spp., Ilex aquifolium, Taxus
baccata, Sequoia sempervirens, Pseudotsuga menziesii, Gingko
biloba femelle.
5.2. Rauh
• Ramification
rythmique
• Orientation
verticale
• Sexualité
latérale.
Quercus spp., Pinus spp., Araucaria spp., Fraxinus
spp., Populus spp., Prunus avium, Ficus carica, Juglans regia
5.3. Troll
• Ramification
rythmique
• Orientation
horizontale, toutefois les branches horizontales ont tendance à se redresser
quand les feuilles tombent, d’où un aspect courbé.
• Sexualité
latérale ou terminale.
C’est le modèle le plus fréquent.
Fagus spp., Tilia spp., Cotoneaster spp., Ulmus spp.,
Albizia sp., Acacia spp., Cercis siliquastrum, Corylus avellana
6. En savoir plus…
6.1. Bibliographie
Tous les livres de Francis Hallé,
En particulier : Un jardin après la pluie, éd.
Armand Collin
Eloge de la
plante, pour une nouvelle biologie, éd. Point
6.2. Liens internet
L’arbre et sa structure, introduction à l’architecture des
arbres
Résume les points essentiels d’une formation organisée par
ver de terre production avec Francis Hallé.
Méthode par le dessin
Dessiner permet de prendre le temps d’aller à la
rencontre de l’arbre.
Pour dessiner, il faut prendre suffisamment de recul
pour avoir une vue globale.
Il est conseillé de dessiner l’arbre en partant du
sommet, et ne pas oublier que la partie aérienne de l’arbre ne représente
que la partie émergée de l’iceberg.
L’émergence du phénomène de réitération chez les arbres
A partir des gymnospermes les
plus récents comme les pins, les arbres sont passé d’un mode de croissance
unitaire au mode coloniaire, à la manière d’un récif corallien. Les
angiospermes ont adopté ce mode de croissance.
Les arbres passent d’une
structure unique à une structure plus complexe, qui se répète à l’envi,
suivant un mode de croissance fractal fragmenté. Ce phénomène s’appelle la réitération. Les manifestations en sont
des rejets.
Deux modes de croissance :
–
Unitaire :
même génome, croissance homothétique.
–
Coloniaire :
variabilité du génome sur l’arbre, structures plus souple et plus
résiliente grâce aux réitérations.
Trois paramètres pour vingt-quatre
modèles :
–
Ramification
: continue ou rythmique
–
Orientation
: horizontale ou verticale
–
Sexualité
: terminale ou latérale
Pas de
corrélation entre structure et systématique.
Les principaux modèles en milieu tempéré
Massart, Rauh et Troll (ce dernier étant plus répandu sur Terre)
|
Merci pour cet article fort surprenant.
RépondreSupprimerPourrais tu m'éclaircir sur la sexualité latérale et terminale, je suppose que c'est en rapport avec les méristèmes apicaux en haut de la tige ou au niveau des bourgeons ?
Merci :)
En fait je viens de me rendre compte que ca correspond simplement à la floraison terminal et latérale. Je vais étudier plus sur ce sujet.
SupprimerMerci
Oui exactement, d'aileurs je te conseille une vidéo d'un stage que j'ai passé avec Francis Hallé sur ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=0PI1k1KZs7k
RépondreSupprimerGreat bloog you have here
RépondreSupprimerI really enjoyed your blog posts, thank you.
RépondreSupprimer