vendredi 1 mars 2019

Les arbres et leur structure

1.  Introduction

Cette présentation est basée sur les travaux de Francis Hallé, botaniste spécialiste des arbres de la bande équatoriale né en 1938. Elle se veut une introduction à l’architecture des arbres.
Francis Hallé propose une définition pour distinguer l’arbre des autres végétaux : « Si une automobile entre en collision avec un végétal et que l'automobile est cassée, alors il s'agit d’un arbre. »
S’il propose cette définition non sans humour, c’est que ce que l’on entend par « arbre » peut décrire des réalités très différentes et qu’il n’est pas si facile de le définir : en effet il existe des végétaux très grands (types lianes par exemple) ou encore ligneux qui ne sont pas des arbres.
Il met en lumière que chaque espèce d’arbre a un programme de croissance et de développement qui lui est propre.
Ce programme est donc héritable génétiquement et l’architecture en est la partie visible.

Nous commencerons donc par la méthode par le dessin pour saisir la structure de l’arbre.
Ensuite,  nous verrons les différents modes de croissance, unitaire et coloniaire, ce dernier se distinguant par l’apparition du phénomène de réitération dotant l’arbre d’une souplesse structurale plus vaste.
Après, nous verrons vingt-quatre modèles de croissance, et les trois principaux paramètres qui permettent de les différencier. Ce sont des « Données des bases simples, fixes dans chaque espèce et à déterminisme génétique puisqu’elles sont héritables. »
Enfin, nous étudierons en particulier trois modèles qui sont ceux les plus répandus en milieu tempéré.

2.  Méthode par le dessin

2.1.      Prendre le temps

Le dessin a cette vertu de permettre de rentrer dans la durée de la plante, ce qui ne peut être saisi par un instantané photographique.

2.2.      Prendre la bonne distance pour avoir une vue globale

Prendre suffisamment de recul pour avoir une vision globale de l’arbre, de tout le houppier et trouver un bon angle pour cerner des détails intéressants, comme la disposition des branches.

2.3.      Commencer à dessiner par le sommet

Francis Hallé conseille de toujours dessiner par le sommet pour mieux dessiner la structure de l’arbre.

2.4.      On ne voit que la partie émergée de l’iceberg

Les racines sont à prendre en compte, même si elles ne sont pas visibles pour le dessin. Elles peuvent constituer d’un tiers à plus de la moitié de la biomasse de la plante.

3.  Deux modèles de croissance différents : l’émergence du phénomène de réitération

3.1.      Au début étaient les arbres unitaires

 

Tout comme les fougères arborescentes, les premiers gymnospermes apparus sur Terre ont adopté un modèle de croissance unitaire.
Ce mode de croissance signifie que l’arbre est constitué d’une seule unité architecturale, qui grandit pendant toute la durée de sa vie, tout en restant unique.
Particularités :
       Même génome dans tout l’arbre
       Croissance homothétique : l’arbre grandit en respectant un modèle architectural précis, qu’il ne peut modifier pour s’adapter aux aléas de son environnement.

3.2.      L’émergence de la réitération et l’apparition des arbres coloniaires

3.2.1.   L’émergence de la réitération

À partir des gymnospermes les plus jeunes (Pinus spp., etc.) et des angiospermes, les arbres optent pour un mode ce croissance plus souple, qui leur permettra de mieux s’adapter aux influences de leur environnement : c’est le mode coloniaire.
L’arbre, partant d’une structure unitaire, va créer sur lui-même d’autres structures lui permettant de se développer davantage dans l’espace, donnant ainsi un avantage compétitif pour la course vers la lumière.
Francis Hallé nomme ce phénomène la réitération et la définit ainsi : « mécanisme par lequel l’arbre crée ses structures, des unités architecturales, qu’il répète à l’envi et additionne aux unités antérieures ».
On peut observer deux types de réitérations :
       Partielle, constituée d’un axe d’exploitation, donc avec des feuilles pour faire de la photosynthèse et éventuellement des fleurs pour la reproduction
       Complète, constituée d’abord d’un axe d’exploration c'est-à-dire un petit tronc duquel partent des axes d’exploitation (les fleurs apparaissent donc  plus tard dans ce type de structure  que le précédent) : On parle de aussi de rejet.
Les réitérations complètes sont aussi dotés de racines qui courent sous l’écorce dans le cambium pour puiser l’apport en sève brute (eau les sels minéraux) quelles ne peuvent trouver autrement, n’étant pas connectées au sol directement.
L’ensemble de ces réitérations se soudent pour former un manchon qui constitue le cerne annuel des arbres coloniaires.




3.2.2.   Arbres coloniaires

 

Les arbres qui ont des réitérations sont donc constitués d’arbres qui poussent sur des arbres : c’est pourquoi ont parle d’arbre coloniaire.
On a un arbre mère sorti de la graine et à partir de celui-ci se développent des réitérations qui ont certaines particularités :
       L’arbre coloniaire contient différents génomes sur les bourgeons à la manière d’un récif de corail (au sein de la même espèce)
       Les réitération suivent une croissance fractale fragmentée, c'est-à-dire qu’au fur et à mesure que l’arbre grandit, le nombre d’unités architecturales augmentent mais leur taille diminue.
 en haut, le modèle de croissance des arbres unitaire, en bas celui des coloniaires.

 


3.3.      Avantage coloniaires sur unitaires

Les réitérations offrent une structure plus souple aux arbres coloniaires conférant beaucoup d’avantages :
       L’ adaptabilité de la structure  permet d’être plus performant pour la compétition vers la lumière (pour capter la lumière rendue par un chablis notamment)
 à gauche, un arbre unitaire, à droite, un arbre coloniaire.
       La variabilité du génome dote l’arbre dans son ensemble d’un spectre adaptatif plus grand ce qui le rend plus résilient face aux agressions extérieures.

Et pourtant…
une réitération peut à certains égards se comporter en hémiparasite !
Tant que ses racines n’ont pas regagné le sol, elles puisent leur eau et leurs sels minéraux dans le cambium de l’arbre-mère.
N’appelle-t-on pas d’ailleurs un rejet en langage populaire un gourmand, sucker en anglais, succhione en italien, chupón en espagnol ou encore Wasserschosse en allemand ?
En fait la relation est à bénéfice réciproque : l’arbre-mère donner de la sève brute mais profite que ses réitérations sont captables de mieux s’adapter pour capter la lumière donc fournissent en retour de la sève élaborée issue de la photosynthèse.
De plus, lorsque racines des réitérations seront connectées au sol, elles ne puiseront plus sur l’arbre-mère la sève brute.

4.  Trois paramètres pour une combinatoire de vingt-quatre modèles architecturaux

  Trois paramètres simples permettent de décrire les vingt-quatre modèles architecturaux connus à ce jour pour les arbres dans le monde. 


4.1.      Trois paramètres

4.1.1.   Ramification

 

La ramification décrit la répartition des branches.
Elle peut être :
       Continue (plutôt en milieu tropical, on peut citer la famille des Cupressaceae en milieu tempéré avec les cyprès et les genévriers)
       Rythmique : liée aux saisons en milieu tempéré (un étage rythmique correspond à une année),  à d’autres rythmes en milieu équatorial (absence de saison marquant un arrêt de végétation).

4.1.2.   Orientation

L’orientation des branches peut être :
       Axe horizontal (disposition des feuilles distique : sur le même plan)
       Axe vertical (disposition des feuilles spiralée).
Attention à l’effet de la gravité, des branches d’orientation initialement verticale peuvent avoir l’air horizontales : on observe bien l’orientation sur les jeunes pousses. On peut l’observer sur un Pin par exemple dont l’axe des branches est horizontal, mais lesjeunes pousses bien redressées

4.1.3.   Sexualité

La position des fleurs peut être:
        Terminale, l’inflorescence est alors en cyme définie
       Latérale, l’inflorescence est alors grappe, donc indéfinie






4.2.      Vingt-quatre modèles


Voici vingt-deux des vingt-quatre modèles architecturaux décrits à ce jour.
Il n’y a pas de corrélation entre structure et systématique : des familles éloignées peuvent suivre le même modèle, par exemple platanes et sapins ont le modèle de Massart que nous verrons plus loin.
 A l’inverse, Gingko biloba femelle et mâle ne suivent pas le même modèle, l’orientation des branches étant différente (horizontale pour les femelles et verticales pour les mâles).
De manière pratique, la connaissance des modèles permet de mieux l’intégrer dans des systèmes agroforestiers ou urbains : comprendre l’architecture des arbres permet des tailles et élagages moins traumatisants pour l’arbre (ou même savoir quel arbre choisir pour en faire une trogne), de plus les réitérations peuvent fournir un excellent matériel de greffage.


5.  Les principaux modèles en milieu tempéré

5.1.      Massart

 

       Ramification rythmique
       Orientation horizontale
       Sexualité latérale ou terminale.

Abies spp., Platanus spp., Ilex aquifolium, Taxus baccata, Sequoia sempervirens, Pseudotsuga menziesii, Gingko biloba femelle.

5.2.      Rauh

 

       Ramification rythmique
       Orientation verticale
       Sexualité latérale.
Quercus spp., Pinus spp., Araucaria spp., Fraxinus spp., Populus spp., Prunus avium, Ficus carica, Juglans regia

 

5.3.      Troll

 

       Ramification rythmique
       Orientation horizontale, toutefois les branches horizontales ont tendance à se redresser quand les feuilles tombent, d’où un aspect courbé.
       Sexualité latérale ou terminale.
C’est le modèle le plus fréquent.
Fagus spp., Tilia spp., Cotoneaster spp., Ulmus spp., Albizia sp., Acacia spp., Cercis siliquastrum, Corylus avellana


6.  En savoir plus…

6.1.      Bibliographie

Tous les livres de Francis Hallé,
En particulier : Un jardin après la pluie, éd. Armand Collin
Eloge de la plante, pour une nouvelle biologie, éd. Point

6.2.      Liens internet

L’arbre et sa structure, introduction à l’architecture des arbres
Résume les points essentiels d’une formation organisée par ver de terre production avec Francis Hallé.


Méthode par le dessin
Dessiner permet de prendre le temps d’aller à la rencontre de l’arbre.
Pour dessiner, il faut prendre suffisamment de recul pour avoir une vue globale.
Il est conseillé de dessiner l’arbre en partant du sommet, et ne pas oublier que la partie aérienne de l’arbre ne représente que la partie émergée de l’iceberg.

 

L’émergence du phénomène de réitération chez les arbres

A partir des gymnospermes les plus récents comme les pins, les arbres sont passé d’un mode de croissance unitaire au mode coloniaire, à la manière d’un récif corallien. Les angiospermes ont adopté ce mode de croissance.
Les arbres passent d’une structure unique à une structure plus complexe, qui se répète à l’envi, suivant un mode de croissance fractal fragmenté. Ce phénomène s’appelle la réitération. Les manifestations en sont des rejets.

Deux modes de croissance :
      Unitaire : même génome, croissance homothétique.
      Coloniaire : variabilité du génome sur l’arbre, structures plus souple et plus résiliente grâce aux réitérations.

Trois paramètres pour vingt-quatre modèles :
      Ramification : continue ou rythmique
      Orientation : horizontale ou verticale
      Sexualité : terminale ou latérale
            Pas de corrélation entre structure et systématique.

Les principaux modèles en milieu tempéré

Massart, Rauh et Troll (ce dernier étant plus répandu sur Terre)

5 commentaires:

  1. Merci pour cet article fort surprenant.
    Pourrais tu m'éclaircir sur la sexualité latérale et terminale, je suppose que c'est en rapport avec les méristèmes apicaux en haut de la tige ou au niveau des bourgeons ?
    Merci :)

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    1. En fait je viens de me rendre compte que ca correspond simplement à la floraison terminal et latérale. Je vais étudier plus sur ce sujet.
      Merci

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  2. Oui exactement, d'aileurs je te conseille une vidéo d'un stage que j'ai passé avec Francis Hallé sur ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=0PI1k1KZs7k

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  3. I really enjoyed your blog posts, thank you.

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