Introduction
Qu’est-ce que la bio-indication ?
Bio,
gr. « vie », qui indique ce qui vit sur un milieu donné.
La Bio-indication désigne l'évaluation de la
qualité des milieux à l'aide de matériaux vivants connus pour leurs capacités
de sentinelles des milieux.
Gérard Ducerf et son approche
Quelques mots sur la vie de l’auteur des encyclopédies des plantes bio-indicatrices

Son parcours de vie l’a amené à s’intéresser à la santé des
sols agricoles et de leur influence sur ceux qui en consomment les produits.
Quels types de milieux sont étudiés
Il propose une phytosociologie des milieux anthropisés,
agricoles en particulier.
Quels types de plantes sont étudiées ?
Ce sont majoritairement les plantes produisant des graines, dont
on peut déterminer les levées de dormance propre à chaque espèce.
Histoire de la dormance ou la création de la
graine
On pourrait aussi appeler cette histoire « Emancipation
du milieu marin pour la reproduction ».
Phase chimique


Alors émerge les chaines complexes d’ADN et d’ARN. Les ADN
peuvent se reproduire eux-mêmes transmettre de l’information sur leur
environnement
Pendant un milliard d’années l’océan s’enrichit de molécules.
Certaines d’entre elles s’individualisent du milieu aquatique en se dotant
d’une membrane. Ainsi apparaissent les cyanobactéries, capable de transformer
l’énergie par la photosynthèse.
Phase cellulaire

Certaines d’entre elles vont quitter les fonds marins pour
gagner la surface. Pour résister aux conditions nouvelles du milieu côtier,
elles s’agglomèrent.
Or cela pose un problème, les cellules au centre des
conglomérats ne peuvent plus s’alimenter par osmose avec le milieu marin.
Phase sexuée
Les algues supérieures franchissent une étape décisive dans
l’évolution en adoptant la reproduction sexuée, permettant des combinaisons
génétiques de plus en plus diversifiées et complexes.
L’enrichissement en oxygène va permettre il y a 400 millions
d’années aux algues de coloniser doucement la vie sur terre, colonisant les
berges, Colonisation de la plaque terrestre.
Colonisation de la plaque terrestre

Alors arrivent les fougères et les prêles qui peuvent
coloniser plus loin le milieu terrestre, disposant de racines leur permettant
de puiser l’eau dans la plaque terrestre et de vaisseau leur permettant de
déployer leurs parties aériennes.

Des mousses aux fougères, la reproduction est toujours
inféodée à l’eau, mais cela va bientôt évoluer.
Apparition de l’ovule
Leur reproduction se fait désormais dans les airs, l’ovule
est fécondé directement par les pollens.
Apparition de la graine

La nature ne met pas toute ses graines dans le même panier
Apparition de l’ovaire
Il y a environ 100 millions d’année avec les angiospermes
apparaît l’ovaire, sac étanche qui protège les ovules des intempéries, ce qui
constitue un avantage évolutif sur les gymnospermes qui peu à peu laissent la
place aux angiospermes.
La plante comme symptôme et remède au déséquilibre des sols cultivés
Biotope primaire et secondaire
Ce qui est toxique pour une plante peut être bénéfique pour
d’autres. Le sapin et le bouleau échangent leurs exsudats racinaires via leurs mycorhizes. Ce sont des
syntaxons, c'est-à-dire deux espèces qui vivent en symbiose. Au contraire, des
espèces comme la piloselle, la houlque molle, le sarrasin, la phacélie ou le
seigle sont des plantes asociales qui colonisent le terrain en empêchant la
germination des autres (allélopathie).
Des syntaxons peuvent s’associer à d’autres syntaxons pour
donner sur un sol des associations végétales qui accueilleront des animaux.
Plantes et animaux font partie d’un milieu vivant dans lequel ils sont interdépendants :
les animaux dépendent des plantes pour se nourrir tandis que certaines plantes
utilisent les animaux pour faciliter leur reproduction (entomophilie,
zoochorie).
On entend par biotope (gr. bio, « vie » et topos,
« lieu » : littéralement « lieu de vie ») un milieu
avec certaines caractéristiques (géologique, géographique, pédologique, etc.)
qui permet la persistance d’une biocénose (ensemble des êtres vivants d’un milieu
donné) particulière.
Ce milieu symbiotique sol–plante–animal est appelé biotope.
On entend par biotope primaire le milieu naturel d’origine
où évolue une plante donnée, sans intervention de l’être humain.
On entend par biotope secondaire les milieux où l’homme a
une forte empreinte : principalement les parcelles agricoles.
L’originalité de la démarche de Gérard Ducerf est de faire
de la phytosociologie appliquée aux milieux agricoles. Chaque
« mauvaise herbe » rencontrée dans une parcelle cultivée
(biotope secondaire) pousse naturellement dans un milieu naturel non modifié
par l’être humain (biotope primaire).
En analysant les spécificités de ce milieu, on peut
comprendre alors pourquoi cette plante s’épanouit sur un terrain façonné par
l’activité humaine (champ, jardin, friche, etc.), que l’on appelle biotope
secondaire, en faisant des concordances entre biotope primaire et secondaire.
La connaissance du biotope primaire d’une espèce permet de
comprendre la transformation du biotope secondaire qu’elle colonise et de
décrire les caractères indicateurs qui lui ont permis de lever sa dormance.
Succession écologique

Gérard Ducerf propose une analogie de la nature comme un
funambule allant de déséquilibre en déséquilibre.
Si on laisse faire la nature, on assiste à une l’émergence
de plantes qui, en se succédant, tendent, si les conditions le permettent, à
devenir une forêt climacique. On appelle ce mouvement « succession
écologique ».
Si on retourne la terre dans un champ, tout comme
naturellement s’il se créé un chablis alors qu’un arbre tombe en forêt, il y a apparition
successive des annuelles à partir de la première année (Veronica chamaedrys, Stellaria media, etc.), puis des bisannuelles
la seconde (Daucus carota, Arctium lappa, etc.), puis des vivaces à
partir de la troisième (Fragaria sp.),
puis des arbustives (Prunus spinosa,
Rubus fruticosus, Rosa canina, etc.), puis des essences de lumière (Betula sp.) et enfin les essences
d’ombre (Quercus sp., Fagus sp.).
Exemples de bio-indication :
Quelques exemples marquants
Reynoutria japonica et R. sachaliniensis (et l’hybride R. x-bohemica)

Depuis quelques années, on lutte contre cette « peste
végétale » qui envahit les milieux suivants : bords et chemins de
routes, talus des autoroutes et voies ferrées, anciennes décharges d’ordures
ménagères et beaucoup de bords de fleuves, de lacs et de rivières polluées aux
métaux, souvent dues à d’anciennes activités minières. En somme, elles ont donc
comme biotope secondaire des milieux chargés en métaux lourds qui vont favoriser
sa levée de dormance.
Selon Gérard Ducerf, elle est donc indicatrice de présence
de pollution des sols en métaux, particulièrement métaux lourds et aluminium.
Pour plaider en sa faveur, on peut dire que :
-
Elle va concentrer ces métaux lourds dans ses gaines
mycorhiziennes, ce qui permet une dépollution des sols, et ce qui fait aussi
que la pollution de remonte pas dans les parties aériennes de la plantes (sauf
si, bien sûr, on est au bord d’une route très fréquentée, ou la pollution sera
aussi aérienne par les gaz d’échappement).
-
Ses jeunes pousses sont d’excellentes
comestibles.
-
Elle est une excellente mellifère de fin
d’automne.
-
On lui a trouvé des qualités médicinales, voici
un texte d’Hervé Coves (agronome) à ce sujet :
« Vous connaissez la théorie
des plantes bio indicatrices ? Elle nous apprend que les plantes qui poussent
dans un environnement perturbé ont pour mission de régler les difficultés qu'il traverse.
Alors, imaginons un environnement où pulluleraient
certaines maladies comme les cancers, l'arthrose et autres maladies
inflammatoires, mais surtout les maladies cardio-vasculaires, et aussi le
diabète et Alzheimer et plusieurs pathologies psychiques... Connaissez-vous un
tel environnement ?
Une
étude réalisée en 2018 montre que toutes ces pathologies pourraient être en
partie soignées par le resvératrol, un très puissant anti oxydant trouvé dans
la pharmacopée. Une étude de 1963 nous apprend que la plante la plus riche en
resveratrol est la renouée du japon. Une plante invasive qui fait l'objet de
plans de destruction dans certains secteurs.
Il me
vient deux idées :
Et si
cette plante arrivait massivement dans nos contrées pour nous soigner alors que
nous la prenons pour une peste végétale ? (Le problème est la solution).
Inversement, et si nous adoptions des modes de vie plus respectueux de notre
bonne santé pour voir émerger autour de nous un écosystème plus équilibré ? (la
aussi, le problème est la solution) Hihi, il me plaît à penser que notre
relation à la renouée pourrait nous ouvrir des voies d'évolution bien plus
importantes que celles que nous imaginions.
En
voici une nouvelle qui vient de rejoindre mon panthéon : je crois que je vais
aimer la renouée du japon. La Vie est belle »
Ambrosia artemisiifolia

Cette plante, jugée aussi invasive avec ses pollens
allergisants, est donc indicatrice de sol minéralisé, ou la fraction organique
a disparu… or on voit qu’elle s’installe souvent dans les champs, dont les
pratiques délétères minéralisent le sol qui n’est plus qu’un substrat pour
servir de support aux plantes qui ne se nourrissent alors plus que des engrais
qu’on veut bien leur donner.
Elle est donc indicatrice de perte d’humus, de la déstructuration
des argiles par les intrants chimiques provoquant la disparition du complexe
organo-minéral provoquant une réduction des sols en poussière. Ces sols se
stérilisent aussi par les bouleversements du aux labours trop profonds ou aux
travaux routiers et urbains.
Convolvulus arvensis

C’est une cascade d’évènement qui amène à sa
prolifération :
-
D’abord l’ajout de matière organique contenant
beaucoup de matières azotées et pas assez de matières carbonées
-
Cette présence d’azote a tendance à faire tasser
le sol, ce qui provoque des anaérobioses (pas assez de circulation d’air dans
le sol)
Le liseron des champs indique donc une saturation du sol par
de l’azote d’origine organique ou de synthèse, les excès de matières organique
ou de nitrate d’ammonium. C’est une plante qui indique les compactages des
sols. Elle est surtout nitratophile.
Le liseron des champs a des racines fasciculées nombreuses
et épaisses qui recréent des galeries là où des vers de terre auraient pu les
faire si le sol n’avait pas trop subi d’anaérobiose.
Si l’on veut corriger le problème d’asphyxie du sol plus
rapidement qu’en attendant que plusieurs générations de liserons des champs ne
corrigent cette situation en aérant le sol par leur développement racinaire, il
est conseillé d’équilibrer les apports de matières organique avec davantage de
matières carbonées et d’aérer le sol sur sa couche superficielle (là où sont
les bactéries aérobies, jusqu’à 10-15 cm de profondeur).
Datura stramonium

Selon Gérard Ducerf, elle est donc indicatrice des pollutions
des sols en hydrocarbures et en pesticides de synthèses, constitués de pétrole.
Achillea millefolium
Plante très commune ayant pour biotope primaire les pelouses
et prairies naturelles des vallées alluviales et montagnardes, les clairières
forestières et les landes. On la trouve souvent dans les biotopes secondaires
suivants : prairies agricoles, terre remuées, bord de chemin et de routes,
talus.
Selon Gérard Ducerf, cette plante est régulatrice des
« hémorragies » en matière organique dû à des traumatismes du sol
(labours trop profonds, surpâturages, etc.) provoquant des érosions.
Le foisonnement de ses racines fasciculées qui retient ces
éléments nutritifs pour le sol et a une action qui régule l’érosion.
En phytothérapie, la partie aérienne est hémostatique,
soignant les hémorragies internes ou externes et les problèmes circulatoire en
général (dont les aménorrhées).
Gérard Ducerf fait donc ici une analogie entre l’action de
la plante sur le terrain du sol et du corps, comparant l’action régulatrice de
la matière organique pour le sol et du sang pour le corps.
.
Stellaria media
Le mouron blanc a pour biotope primaire les lisières et
clairières forestières des forêts alluviales et riveraines.
Une des rares plantes indicatrice d’équilibre : elle
est indicatrice d’équilibre des sols et d’une bonne activité microbienne.
Levée de dormance par les excréments animaux :
Chaque animal va favoriser la levée de dormance des plantes
dont il se nourrit, favorisant la pérennité du milieu naturel où elles
évoluaient lorsqu’elles étaient encore à l’état sauvage.
En mangeant des plantes dont ils sont friands, ils dégagent des
acides liés aux sucs digestifs qui attaquent la coque de la graine et
permettent ensuite à l’embryon de lever – il peut aussi y avoir des éléments
qui détruisent les substances chimiques inhibant le développement de l’embryon.
Bovins
Les bovins sont originaires de la prairie primaire, leur
excréments favorisent la levée de dormance de Trifolium repens, Ranunculus acris, Plantago sp., et beaucoup de
plantes de la famille des Fabaceae.
Equidés
Les excréments des équidés favorisent la levée de dormances
de broussailles, ayant pour milieu d’origine les lisières et clairières
forestières (exemple : Festuca rubra).
Ovins
Les ovins sont originaires de steppes et apprécient et
favorisent les petites Fabaceae.
Oiseaux
Les oiseaux mangent beaucoup de fruits, qui, baignés par la
présence d’hormones favorisant la levée de dormance dans l’estomac des oiseaux
vont pouvoir permettre par exemple la germination de Solanum spp., Amaranthus spp., Urtica urens.
La méthode de diagnostic de bio-indication
Trois étapes
Recenser les plantes de la parcelle
On recense les plantes sur 1 m² représentatif de la parcelle
étudiée. S’il y a plusieurs milieux différents sur cette parcelle, on réalise
autant de recensement différent qu’il n’y a de parcelle.
Mettre des coefficients d’occupation de surface au sol de la plante (0 à 5)
Lorsque l’inventaire est terminé, on évalue la densité de
végétation de chaque espèce, par son taux de recouvrement qui correspond à
l’ombre portée au sol de l’espèce considérée.
On applique les coefficients suivants :
-
Coefficient 5 : l’espèce recouvre 100% de
la surface du sol
-
Coefficient 4 : l’espèce recouvre 75% de la
surface du sol
-
Coefficient 3 : l’espèce recouvre 50% de la
surface du sol
-
Coefficient 2 : l’espèce recouvre 25% de la
surface du sol
-
Coefficient 1 : l’espèce recouvre 5% de la
surface du sol
-
Pas de coefficient : l’espèce recouvre
moins de 5% de la surface du sol
Analyse des caractéristiques de la parcelle
Corréler les coefficients avec les données propres à chaque
espèce du fascicule des conditions de levée de dormance :
Les caractères les plus extrêmes sont les plus signifiants
pour la lecture du sol.
Caractères étudiés :
-
Bases : richesse du sol en bases (K-MG-Ca)
-
Ca : présence ou absence de calcium ou de
calcaire actif
-
Air : asphyxie du sol, compactage
-
Eau : hydromorphismes
-
MO (C) : sol riche ou pauvre en matière
organique carbonée
-
MO (N) : sol riche ou pauvre en matière
organique azotée
-
Nitrites : présence de nititres, d’origine
humaine ou géologique
-
Foss : sol engorgé en matière organique
d’origine végétale en cours de fossilisation
-
Less : perte, par lessivage, des éléments
fertilisants en raison des faibles pouvoirs de rétention de ce sol par carence
en argile ou en humus
-
Min : composition du sol à forte proportion
minérale, sol peu ou pas structuré ou en cours de déstructuration
-
Ero : erosion physique, perte des sols
morts par entraînement mécanique lors des pluies
-
Sali : augmentation du degré e salinité des
sols
-
BP : blocage du phosphore
-
BK : blocage de la potasse
-
AB : sol actiivité biologique bonne ou
bloquée
-
Poll : sol pollué
Ecueils à éviter
Choisir la bonne période pour réaliser le diagnostic
Il est conseillé de réaliser un diagnostic plutôt vers mai
ou septembre pour avoir le maximum d’espèces de plantes présentes. On peut en
réaliser à plusieurs saisons (en évitant l’hiver), et de préférence lorsque la
prairie est bien développée (pas après une fauche).
Bien déterminer les espèces
Chaque espèce est spécifique : pour ne pas se tromper
sur ce dont elles peuvent être indicatrice !
Arriver à être objectif dans la perception du recouvrement de certaines plantes
Certaines peuvent paraître insignifiantes parce qu’elles
sont très communes (exemple : Trifolium
arvense) tandis que d’autres jugées indésirables peuvent être surévaluées
(exemple : Rumex obtusifolius).
Il ne faut pas non plus prendre quelques plantes éparses
pour significatives : c’est l’ensemble du cortège floristique et les
plantes aux densités les plus élevées qui révèlent la bio-indication d’une
parcelle.
Élargir le débat
Vision agronomique et vision d’ensemble

Sans vision utilitaire, il n’y a plus non plus de notion de sol
pollué : on rentre dans une vision plus intégrante de tous les éléments
qui composent notre écosystème, dont font aussi partie les hydrocarbures et les
métaux lourds !
Il peut être utile de sortir des ornières
utilitaristes : la plante ne sert pas qu’à savoir ce qui se passe dans le
sol ni ne sert à guérir le sol. Bien que nous l’utilisions, elle ne
« sert » à rien fondamentalement.
En prendre conscience peut alors changer notre approche de
cette plante.
En savoir plus…
Bibliographie
-
Ducerf, Gérard (2010), L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices vol.1, éditions Promonature,
Briant
-
Ducerf, Gérard (2011), L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices vol.2, éditions
Promonature, Briant
-
Ducerf, Gérard (2013), L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices vol.3, éditions
Promonature, Briant
-
Ducerf, Gérard (2015), Fascicules des conditions de levée de dormance des plantes
bio-indicatrices, éditions Promonature, Briant
-
Ducerf, Gérard (2012), Guide ethnobotanique de phytothérapie, éditions Promonature, Briant
Liens internet
-
Site de promonature, http://promonature.com, consulté le 9/10/2019
-
Vidéo de 7h réalisée par « verre de terre
production » d’un stage donné par Gérard Ducerf sur les plantes
bio-indicatrices, https://m.youtube.com/watch?v=PIGDnVqUtB8,
consulté le 9/10/2019
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